you're such a stranger. and nothing you'll say will change how i look at you.

Dix-sept jours que tu es enfermé dans ce museum et bien que l'histoire de ton pays t'ait toujours passionné en cours, en ce moment, c'est plus vraiment ta tasse de thé. Tu en as marre de tourner en rond, carrément marre. Tu nettoies les marches, tu confectionnes des vêtements de fortune et puis... et puis rien ! Tu tournes en rond, et même si la compagnie des autres du groupe te rassure, tu ne te sens pas spécialement à ta place. Peut-être cela vient-il du fait que ta mère te manque, toujours un peu plus. Mais même si c'était le cas, que pourrais-tu y faire ? Elle est morte, un point c'est tout ! Elle ne reviendra pas, c'est terminé ! Dix-sept jours que tu es ici, avec Azure. Elle semble plus s'apprivoiser à l'atmosphère du groupe que toi, mais tu n'arrives même pas à lui en vouloir. Dans l'état actuel des choses, tu te vois mal faire des reproches à qui que ce soit. Chacun trouve sa propre manière de penser à autre chose, on te l'avait bien fait comprendre. Pourtant, dans le groupuscule dans lequel tu vivais actuellement, tu avais l'impression que personne ne réalisait vraiment l'ampleur des dégâts. Tu étais peut-être le seul lucide parmi tous ces illuminés, mais ce soir... non, ce soir tu ne resterais pas ici. Pas une nuit de plus.

Dehors, il pleut, mais le temps est agréable, presque chaud. En faisant le mur ce soir-là, tu sens comme un sentiment de culpabilité te ronger. Azure, tu murmures son prénom en soupirant. Tu n'as pas le temps de retourner la chercher, tu as besoin de prendre l'air et surtout de t'éloigner le plus possible de tous ces gens qui t'étouffes. Ta mère te manque, ouais, ça t'ronge... ça t'bouffe ! Et t'as b'soin d'être seul. Tant pis si tu dois y rester, tant pis si tu prends des risques ! En quittant le Museum, tu prends gardes de ne pas te faire repérer par les vigies à l'entrée. Tu glisses sous la rambarde, un sac à l'épaule. Tu fais le moins de bruit possible, calcules les allers-et-venues des gardes et lorsqu'enfin la voie est libre, tu en profites pour sortir de la zone protégée. Tu es dehors... enfin !

Ta première réaction est de courir jusqu'au premier immeuble du coin, tu te caches à l'abri de ses murs et reprends ton souffle. Un dernier regard sur le museum, et tu tournes les talons. Tu ne sais pas très bien ce que tu recherches, mais tu avances. Tu marches, tu ne t'arrêtes pas. Tu te souviens de ces ruelles, Azure et toi avez couru ici pour trouver refuge au museum... ouais ! C'est pas très loin d'ailleurs... tu le sais, tu le sens. Tes poils se hérissent sur ta chair à nue, tes muscles se crispent alors que les vestiges du casino se dessinent au loin. Tu sais que tu t'en approches. Jetant des regards à gauche à droite, tu continues ta quête tranquillement. Qu'Est-ce que tu es venu chercher ici ? L'absolution ? Le pardon ? Tu n'en sais rien, mais tu ne retourneras sur tes pas. Soif de liberté dans un monde qui court à sa perte... tu préfères affronter la mort que de l'attendre. Le casino se rapproche, ton cœur se serre à nouveau. Tu commences à transpirer, tu le sens, ça te hante, ça te ronge. En avançant, tu revois la scène, tu revis la scène. Quelle horreur, tu respires mal. Tu tends l'oreille un instant... pas un bruit ! En t'approchant de la tache de sang séchée sur le sol, tu sens tes muscles se crisper... C'est ici ! Tu t'agenouilles à même le sol, tes doigts caressent l'asphalte et tu sens les larmes te monter aux yeux. Maman un murmure à peine audible, mais ta voix s'étouffe. Tu reprends ta respiration et brusquement... un bruit ! Tu te redresses sur tes jambes, essuies les larmes sur ton visage et observes. Personne, tu ne vois personne. Mais le bruit se fait entendre à nouveau... tu sens l'angoisse te gagner. Te cacher, vite ! Tu trouves rapidement l'entrée de service du casino et, doucement, tu tires sur la porte, te calfeutrant derrière elle. Tu retiens ta respiration en observant la ruelle. Si je dois mourir ce soir, que ça soit rapide, s'il vous plaît. et dans le silence mortel de ta cachette, tu réalises que, pour la première fois de ta vie, tu te mets à prier. Quelle utopie !

hs:

you're such a stranger. and nothing you'll say will change how i look at you.

Les nerfs à vifs, t'attends en silence. Tu ne retiens pas ta respiration, tu sais très bien que si tu le faisais... tu ne tiendrais pas suffisamment longtemps. Alors tu tâches de faire le moins de bruit possible, à travers l'entrebâillement de la porte derrière laquelle tu te caches, tu observes. T'es pas certain d'avoir le courage nécessaire pour affronter un rôdeur tout seul mais tu as fait ton choix, tu as quitté ton campement dans le but de retrouver un semblant de liberté. Quand bien même tu pouvais apprécier ce que tu y faisais, tu ne tenais plus en place. Face à la mort, tu te retrouves seul, à chercher des justes motifs pour ton évasion. Quel con ! tu ne peux pas t'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité et de regret, comme si ce que tu avais fait ce soir avait été pire qu'un suicide à l'état brut. Pendu, tu n'aurais rien senti, qui sait la douleur qu'infligent les rôdeurs lorsqu'ils commencent à ronger votre chair et vos os. Tu revois instinctivement l'image de ta mère entrain de se faire dévorer et une larme perle au bord de ton œil droite. Signe de faiblesse que tu effaces d'un revers de la main, silencieusement. Il est hors de question que tu ne craques maintenant, pourtant, tu sens ton corps trembler...

Dehors, la pluie ne cesse plus de tomber, si tes habits étaient déjà humides, tu n'imagines pas l'état dans lequel tu te trouverais à l'instant si tu étais resté à l'extérieur. De ta cachette, tu peux encore voir la tâche de sang séchée sur le sol et sa vue te soulève un haut-le-coeur. Tu sais qu'en la perdant, tu as perdu toute une partie de toi-même. Elle était ton unique famille, tout ce qu'il te restait pour tenir le coup face à l'abomination dans laquelle plonge ton monde, actuellement. Mais tu n'as plus le choix, elle ne souhaiterait pas te voir sombrer de la même façon qu'elle. Tu sais que si elle était là, elle ne pourrait s'empêcher de te reprocher d'avoir pris ce risque-là. Le groupuscule dans lequel tu vivais était un lieu sûr, en sécurité. Et tu as le culot de tout remettre en question. Tu te sens mal à l'aise, comme si brusquement, elle venait d'apparaître derrière toi pour te faire comprendre le poids de tes actes. Ouais, tu la sens, toute proche de toi.

Tes yeux ne quittent pas la ruelle et pourtant... tu sens un courant de chaleur remonter jusqu'à ta nuque. La pluie tombe pourtant encore. Tu n'y prêtes pas plus attention jusqu'à ce que, brusquement, tu sentes de l'air chaud s'abattre contre ton cou. La présence de ta mère te fait délirer mais, par instinct, tu te retournes pour vérifier. Dans le rayon de lumière que t'offre la porte entre-ouverte, tu aperçois alors son visage. Un homme d'une quarantaine d'années se tient debout, face à toi. Il te dévisage comme si tu étais un plat de bouffe et qu'il n'avait pas mangé depuis des mois, des années mêmes. Son visage est en décomposition totale, son odeur te dégoûte et tu refoules un haut-le-coeur. Il s'avance d'un pas, tu en recules d'un. Et puis, il s'abat sur toi à une vitesse qui manque de te surprendre. Réflexes au top, tu arrives à l'éviter, ouvrir la porte et filer. En sortant, tu trébuches sur un objet et tombe à plat ventre. Le rôdeur te suit, tu te retournes, sur les poignets... et tu te mets à ramper à même le sol, en arrière. La pluie te laisse un goût amer dans la bouche tandis que tu te mets à hurler : Dégage saloperie ! mais ta voix meurt dans un écho troublant. Tu es tout seul... face à un seul rôdeur qui, tu en es sûr, parviendra à te dévorer avant même que tu n'aies le temps de te rendre compte. Tu continues néanmoins d'user de tes forces pour le repousser à coups de pieds tout en continuant de ramper sur le dos. Mais tu te rends bien compte que le bruit que tu fais à hurler de la sorte va attirer plus d'un rôdeur !